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Crise économique : les salaires vont-ils baisser ?

Crise économique : les salaires vont-ils baisser ?

Crise économique : les salaires vont-ils baisser ?
Publié le
March 2021

APC. Depuis quelques semaines, ce sigle est sur toutes les bouches. Pourquoi ? Parce que ce dispositif, qui signifie « Accords de Performance Collective », pourrait bien aider à remettre à flot des entreprises durement touchées par la crise de la Covid-19.

En tout cas, Muriel Pénicaud, la ministre du travail, encourage largement les entreprises des secteurs en crise à y avoir recours, pour éviter les licenciements. « Travailler moins pour gagner moins »semble le nouveau slogan à la mode en cette fin de printemps !

Car l’une des mesures que permet ce dispositif, c’est de diminuer également les salaires des collaborateurs. Ce qui ne la rend pas très populaire aux yeux des salariés, qui y voient un chantage au licenciement !

Alors, les Accords de Performance Collective sont-ils une solution magique ou une atteinte aux avantages sociaux des collaborateurs ?

Les Accords de Performance Collective en bref

L’APC, qu’est-ce que c’est ? L’accord de Performance Collective est un dispositif qui existe depuis 2017. Il permet à un employeur de négocier avec les syndicats ou les salariés à propos :

-      Des aménagements de la durée ou de la répartition du travail,

-      Du montant et des conditions de rémunération,

-      De la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Et la particularité de ce dispositif, c’est qu’il peut bien sûr être déployé en cas de difficultés de trésorerie (comme actuellement du fait de la crise) mais également à n’importe quel autre moment, sous motif de développer la performance.

Et s’il sert à la stratégie d’entreprise, il doit néanmoins être négocié, selon la taille de l’entreprise, en concertation avec les représentants syndicaux ou les salariés.

Mais tout ça, c’est sur le papier. On le sait très bien, même s’il a été négocié collectivement, ce type d’accords ne contentera pas tout le monde. Dans ce cas, le salarié est-il libre de le refuser ? Et bien, oui et non. Il pourra le refuser (et il aura un délai d’un mois pour le faire) mais dans ce cas, il s’agit d’un motif justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse, assorti d’indemnités de licenciement. Alors il faut bien avouer que pour le salarié récalcitrant, la marche de manœuvre reste restreinte…  

Quelques timides tentatives…

Si l’on manque encore de recul pour juger de l’efficacité des mesures (depuis 2017, seules environ 300 entreprises y ont eu recours et dans un contexte économique bien moins dramatique), plusieurs employeurs ont déjà tenté leur chance ces dernières semaines… avec plus ou moins de réussite.

Ryanair, parmi les premiers, a annoncé vouloir réduire le salaire de ses pilotes et personnels navigants. Et a provoqué un tollé général ! En effet, il a été très vite retoqué par Muriel Pénicaud, qui y a vu un « chantage ».Et pour cause, en cas de refus des salariés, Ryanair annonçait comme alternative un plan de licenciement de 3 000 collaborateurs... La ministre du travail a donc adjoint la compagnie aérienne à « revoir sa copie ».

Dans le sillage de cet échec, les entreprises ont compris leur leçon et favorisent « l’esprit français » de dialogue social appelé de ses vœux par Muriel Pénicaud. Fini les plans unilatéraux, les grandes décisions stratégiques se décident désormais à la table de négociation, avec les différents partenaires sociaux.

Chez Derichebourg, sous-traitant aéronautique, c’est près de 700 postes qui sont dans la balance. En contrepartie d’un plan social conséquent, la direction propose dans le cadre d’un APC de supprimer certains acquis sociaux, comme l’indemnité journalière de transport ou le 13ème mois.

Le quotidien L’Equipe, dramatiquement impacté par l’arrêt des rencontres sportives et la baisse des revenus publicitaires, propose une baisse générale des salaires et du nombre de jours de RTT accordés aux salariés. En contrepartie de quoi, la direction s’engage à éviter tout licenciement économique jusqu’en 2024.

L’occasion d’accorder une importance historique au dialogue social ?

Mais bien sûr, tout ne sera pas si simple… C’est également une opportunité pour les employeurs de placer le dialogue social au cœur de toutes les transformations d’entreprises.

D’un côté comme de l’autre, les négociations seront âpres mais stratégiques : elles auront comme bénéfice de préserver des emplois,de redonner une impulsion à la compétitivité de l’entreprise et à terme, de contribuer à redresser l’économie française.

Et nul doute que bien que, en toute logique, ces accords de performance puissent être une réelle alternative aux licenciements, ils seront scrutés de près par l’opinion publique.

Il y a un siècle, on envoyait les hommes mourir au front en masse en temps de guerre.

En 2020, les mentalités et ce dans le monde entier ont évolué à un point tel, que l’on a préféré sacrifier l’économie mondiale plutôt que la petite part de la population vulnérable à la covid-19 (virus totalement bénin, faut-il le rappeler, pour plus de 80% d’entre nous).

Aujourd’hui, donc, la donne a changé. L’exemple du fiasco social amorcé par Ryan air est symptomatique. Toute injustice sera épinglée et dénoncée… Jusque dans les plus hautes sphères du gouvernement.

D’ailleurs, la pression est forte comme en attestent les manifestations amorcées devant le siège social de Derichebourg, à Toulouse, au tout début du mois de juin. Les salariés entendent compter dans les négociations et faire entendre leur voix. Et surtout, ils veulent des assurances que ces accords de compétitivité ne seront pas, en fait, de futurs licenciements déguisés.

Si sacrifice il y a, ils devront être payés de retour et mener à un retour à la compétitivité et à l’emploi, comme le veut l’esprit du dispositif.

C’est dire aussi que l’exemplarité, notamment des dirigeants, sera scrutée à la lettre. Les baisses de salaire devront être effectives pour l’ensemble des personnels, y compris pour les cadres supérieurs et les dirigeants.

Certes, on manque encore de recul. Mais les observateurs ne pourront que convenir du fait que les mentalités changent à l’orée de cette crise économique. La vie humaine a été, durant la crise sanitaire, favorisée par rapport à la vie financière. Et dans l’histoire de l’humanité, c’est une rareté qui n’a rien d’anodin...

Alors nul doute que lorsqu’il s’agira de préserver des emplois, d’éviter des drames humains, l’opinion publique veillera au grain. Les prochaines semaines nous montreront si ce mouvement persiste ou meurt.

A nos entreprises et à nos dirigeants RH, donc, d’en tirer les conclusions qui s’imposent lorsqu’il s’agira de mener le dialogue social avec les salariés et les partenaires sociaux !

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